Ces têtes appartiennent à deux des vingt statues-colonnes sculptées à l’initiative de l’abbé Suger (1122-1151) pour l'abbaye de Saint-Denis. Une troisième tête, attribuée à une reine de Saba, est également conservée dans les collections du musée. Retrouvées et réunies à la fin du 20e siècle, elles proviennent de l’église abbatiale de Saint-Denis et étaient implantées dans les ébrasements des trois portails de la façade occidentale.
Ce décor novateur au sein d’un programme d’une ampleur inédite suggère que l’Église du Christ est portée symboliquement par les figures de rois, reines et prophètes de l’Ancien Testament, de même que leurs statues font corps avec les colonnes qui supportent les parties hautes des portails.
Les statues ont été supprimées à la demande des moines eux-mêmes en 1771, une vingtaine d’années avant la Révolution. Seules les colonnes soigneusement bûchées ont été maintenues en place. Si les corps ont été réduits en miettes, les têtes penchées en avant ont été détachées d’un seul bloc, ce qui a assuré la préservation de ces rares témoins. En-dehors des témoignages du musée de Cluny, seules trois autres têtes ont été conservées et se trouvent aujourd'hui dans des institutions américaines.
Ces vestiges attestent de l’énergie brutale d’un modelé encore roman, où l’expression importe moins que le caractère sacré. Cette force est compensée par une recherche de raffinement dans le travail de surface. Le traitement détaillé des mèches de cheveux et de barbe, la préciosité des couronnes orfévrées ou des galons brodés seront repris ensuite par tous les sculpteurs de la première génération gothique.
Réalisées entre 1137 et 1140
Achats en 1988 (Cl. 23312) et 1992 (Cl. 23415)
