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L'Œuvre de Limoges

Au Moyen Âge, l'émail a connu un immense succès. Avec le vitrail, il est sans doute l'art qui allie le mieux la matière et la lumière. Comme les pierres précieuses, il confère aux objets éclat et couleurs (plaque d'un reliquaire de saint François d'Assise, ML 84).

Caractéristiques et raisons du succès

Limoges est le principal centre de production d'émaux champlevés entre le milieu du 12e et la fin du 13e siècle, les objets limousins se diffusant largement dans toute l'Europe. Le terme opus lemovicense, ou Œuvre de Limoges, désigne ainsi la production des ateliers d'orfèvrerie et d'émaillerie limousins.
Les raisons du succès et de la diffusion importante de l’Œuvre de Limoges sont multiples, mais il faut tout d'abord considérer les qualités propres des émaux limousins réalisés sur cuivre : moins chers que l'or et l'argent, ils permettaient aux paroisses et aux monastères de se doter de reliquaires(châsse des Rois mages,Cl. 23822), d’objets de culte (croix de Bonneval, Cl. 22888), d’éléments de décor d’autel, dorés et colorés (plaque de l'Adoration des Mages, Cl. 956 b). 
La technique de l'émail champlevé se prête bien à la représentation d'images dogmatiques (Christ en majesté, Cl. 13070) comme à la narration d'épisodes de la vie du Christ ou des saints (châsse de saint Thomas Becket, Cl. 23296).
Les ateliers de Limoges pouvaient fournir une production abondante, en nombre, aussi bien que des œuvres réalisées spécifiquement pour des commanditaires prestigieux.

Au début du 13e siècle, le pape Innocent III fait installer une clôture en Œuvre de Limoges à Saint-Pierre de Rome.
Au Concile de Latran IV, en 1215, il impose que chaque église se dote de deux réserves eucharistiques (tabernacles mobiles, colombe eucharistique, Cl. 1957) ; ensuite, le synode de Winchester de 1229 autorise l'emploi de l'émail champlevé pour les vases sacrés. Ces décisions stimulent encore davantage la diffusion d’œuvres émaillées limousines dans toute l'Europe.

Étapes de production de l’émail champlevé

Les émailleurs de Limoges utilisent principalement la technique de l'émail champlevé.
Le support en cuivre est creusé pour former des alvéoles, ou champs, destinées à recevoir l'émail. Le métal épargné, c'est-à-dire non creusé, forme les cloisons qui limitent les surfaces émaillées (boîte aux scènes courtoises, OA 6279).
L'émail est préparé à partir de morceaux de verre, colorés par addition d'oxydes métalliques. L'oxyde de cobalt donne la couleur bleue (médaillon au cavalier au faucon, Cl. 14697), l' oxyde de fer la couleur jaune et l'oxyde de cuivre, selon les proportions, donne le vert, le rouge ou le noir. Les morceaux de verre sont chauffés puis trempés dans l'eau froide, opération qui les fait éclater en petits fragments.
Ensuite on réduit en poudre les écailles de verre en les broyant au mortier et on rince la poudre de verre afin d'éliminer les impuretés. La poudre ainsi obtenue est placée dans les alvéoles creusées dans la plaque, qui est ensuite mise au four : une fois le verre fondu, la température est abaissée graduellement.
Le cuivre possédant un coefficient de dilatation proche de celui du verre, la pièce refroidit harmonieusement, et l'émail se solidarise au métal.
Tous les émaux ne fondent pas à la même température : pour cette raison, il faut prévoir plusieurs fournées, en commençant par les émaux qui supportent les hautes températures, et en ajoutant les autres teintes au fur et à mesure qu'on abaisse la chaleur.
Cuit et refroidi, l'émail est poli, tout d'abord avec une pierre plate et grossière, puis avec une pierre dure et lisse, finalement avec un mélange de salive et de poudre de tesson de céramique.
On frotte généralement la surface avec une peau de chèvre pour lustrer l'émail. Cette opération permet aussi de gratter la cuprite, couche d'oxyde rouge qui se forme pendant la cuisson du cuivre.
C'est après ce procédé que les surfaces réservées peuvent être enrichies de détails par la gravure et la ciselure. La dernière étape est celle de la dorure, qui est appliquée en étalant un mélange de poudre d'or et de mercure ; ce dernier s’évapore à la cuisson.

Pour plus d’informations sur les techniques des émailleurs, consultez le glossaire de l’orfèvrerie limousine.