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Eglise Saint-Germain-des-Prés

Fondée au milieu du 6e siècle par le roi mérovingien Childebert Ier et l'évêque de Paris, saint Germain, l’église Saint-Germain-des-Prés est le seul vestige de l’art roman subsistant aujourd’hui dans la capitale avec sa très belle nef. Retour sur l’histoire de ce qui fut, jusqu’à l’avènement de l’abbatiale de Saint-Denis, une nécropole royale.

Histoire et architecture

 

L’emplacement de l’église actuelle fut occupé dès le 6e siècle par une église mérovingienne nommée Saint-Vincent-Sainte-Croix d’une grande splendeur. Fondée en 543 par le roi Childebert, fils de Clovis, la basilique servit occasionnellement de nécropole royale. L’église prit le nom de Saint-Germain, évêque de Paris qui dédicaça la basilique l’année même de l’inhumation de Childebert. Saint-Germain partageait cette fonction de nécropole royale avec Sainte-Geneviève sur la « montagne » éponyme, fondée par Clovis, père de Childebert. Si les réparations (y compris celles qui suivirent les raids normands) et agrandissements des siècles suivants laissèrent le plan d’origine intact, les 11e et 12e siècles virent au contraire une refondation complète, en élévation du moins, de l’édifice, étendue au 13e siècle aux bâtiments abbatiaux. Les colonnes de marbre remployées dans le triforium sont tout ce qu’il reste de l’édifice du 6e siècle.

La première série de travaux, à laquelle appartiennent des chapiteaux de colonne issus de cette phase sont conservés au musée de Cluny, est contemporaine de l’abbé Morard (990-1014). Morard fut responsable de la construction du clocher occidental et, peut-être, de la reconstruction de la nef.

La deuxième campagne de travaux débuta en 1145 et vit l’agrandissement du chevet de l’abbaye dans le but d’abriter les tombeaux commémoratifs des rois mérovingiens, le but étant bien sûr de rappeler les liens unissant l’église à la royauté au moment où Saint-Denis occupait une place de plus en plus importante. Cette campagne fut lancée par l’abbé Hugues de Saint-Denis (1116-1146) , dont le nom même illustre les liens qui exisent à cette époque entre les deux abbayes. L'émulation entre les deux édifices est perceptible dans leurs similitudes : un, voire deux sculpteurs ont travaillé sur les deux chantiers. Le gisant du roi Childebert, conçu vers 1150 pour Saint-Germain-des-Prés se trouve maintenant à Saint-Denis. Il tient dans sa main droite le modèle de l’église qu’il fonda.

La troisième et dernière campagne de travaux entraine un profond remaniement du complexe abbatial. Le nom de Pierre de Montreuil doit être associé à ces travaux . L’architecte réalisa le réfectoire et, surtout, la chapelle de la Vierge, dont le portail est aujourd’hui conservé au musée de Cluny. Commencée en 1245, la chapelle de la Vierge, quoique de dimensions modestes, fut l'un des chefs-d’œuvres de l’art gothique rayonnant. Elle fut détruite par une explosion en 1802 et peu de vestiges en subsistent hormis le portail et quelques éléments aujourd’hui exposés dans le square attenant à l’église abbatiale.

Une statue de Childebert des années 1240 (aujourd’hui au musée du Louvre) appartient à un groupe d’œuvres qui comprend l’Ange aux clous et le Christ montrant ses plaies du tympan du Jugement dernier de Notre-Dame.

Les sculptures de Saint-Germain-des-Prés au musée de Cluny

 

Les chapiteaux

A Saint-Germain-des-Prés comme à Notre-Dame, la Révolution entraîna nombre de destructions importantes. Les moines furent exilés, le monastère vendu et les bâtiments détruits. Seule l’opposition des habitants du quartier préserva l’abbatiale, qui avait été réaffectée en 1794 en usine de salpêtre. Les importantes restaurations entamées en 1820 par Étienne-Hippolyte Godde témoignent de l’ampleur des dégâts. En particulier, les chapiteaux de la nef furent soit restaurés soit remplacés par des copies. Autour de l’an mil, ceux-ci étaient sûrement au nombre de quarante. Douze d’entre eux ont été copiés et déposés à Cluny, les autres ayant été ragréés et complétés avec du plâtre, parfois avec des erreurs.

Les chapiteaux réalisés lors de cette campagne sont l’œuvre de trois sculpteurs différents. Le premier groupe comprend les motifs végétaux. Stylistiquement, l’artiste se situe dans la lignée des chapiteaux normands . Les deux autres groupes comprennent les chapiteaux figurés. L’un se distingue par des figures aux proportions trapues et au modelé réduit mais saillant sur le fond de la corbeille, avec des vêtements aux plis heurtés. Le style du troisième sculpteur, le plus talentueux, contraste fortement avec le précédent car les personnages accusent ici un canon allongé, une taille vigoureuse et un modelé mieux maîtrisé, ce qui leur donne un aspect dansant. Le pli évasé qui termine le bas des robes et des tuniques est sa signature et rappelle les enluminures et objets d’art contemporains de France et d’Angleterre. Il réalisa les chapiteaux des supports nord qui associent l'iconographie de l'Eucharistie à celle de la vie de saint Benoît.

De tous les chapiteaux, Cl. 18612 est peut-être le plus intéressant , pour plusieurs raisons.Tout d’abord, il semble avoir été l’œuvre des deux sculpteurs mentionnés ci-dessus : le troisième sculpteur est responsable de la face principale tandis que le deuxième est chargé des faces latérales, plus plates. Il représente le Christ en majesté dans une mandorle encadré de deux colonnes torses. Il tient l’hostie dans sa main droite, mais celle-ci est peu visible sur l’original et n’est pas présente sur la copie en place dans l’abbatiale. Sur chacune des faces latérales est représenté un ange tenant le Livre, allusion au thème de l’Eucharistie. Ce chapiteau est en quelque sorte le point d’orgue d’une série de chapiteaux consacrés à l’Eucharistie qui devaient affirmer la présence réelle du Christ dans l’hostie, au cœur d'un débat théologique très vif audébut du 11e siècle.

Enfin, les collections du musée comprennent également des chapiteaux à décor végétal naturaliste provenant des bâtiments claustraux de l’abbatiale, notamment du réfectoire élevé vers 1240 par Pierre de Montreuil.

Le portail de la chapelle de la Vierge

Démonté en 1802 puis remonté en 1980 dans les locaux mêmes du musée de Cluny, le portail est l'un des rares éléments subsistant de la chapelle de la Vierge. Il se compose de deux piédroits soutenant des voussures en arc brisé et d’un linteau supporté par un trumeau. Le tympan était ouvert d’une rose dont le vitrail, de style gothique rayonnant, a disparu. La Vierge à l’Enfant qui occupait le trumeau a elle aussi probablement été détruite pendant la Révolution mais une statue qui semble une première version, cassée lors de la taille, est aujourd’hui exposée dans une chapelle rayonnante de l’église.