Que trouverez-vous au musée de Cluny ? Et qu’est-ce que vous n’y trouverez pas ? Pourquoi et selon quels critères ? Pourquoi le musée de Cluny est-il installé en plein cœur de Paris et que recouvre le terme de musée national du Moyen Âge ?
Si vous vous posez des questions sur le musée et son histoire, nous avons les réponses ! En huit points, nous vous proposons de mieux comprendre ce qu’est le musée de Cluny.
Un monument médiéval fermé par une enceinte crénelée… Avec une telle définition, qui ne penserait pas à un château fort ?
Et pourtant non, le site du musée n’a jamais été un château. Il s’agissait à la fin du Moyen Âge de la demeure parisienne du puissant abbé de Cluny. Ce religieux, à la tête de l’une des plus célèbres abbayes du monde médiéval, se fait construire un élégant hôtel particulier entre cour et jardin. Rien à voir donc avec les châteaux forts massifs qui sont de toute façon passés de mode à la fin du 15e siècle. Quant aux gargouilles, elles ne sont pas d'origine : elles ont été installées au 19e siècle seulement.
Pour en savoir plus sur l’histoire du site, consultez nos pages "Lieu". Elles reviennent sur les différents monuments qui constituent aujourd’hui le musée de Cluny, depuis les thermes antiques de Lutèce jusqu’à l’extension inaugurée en 2018, en passant par l’hôtel de Cluny.
Le musée de Cluny, implanté dans un site antique et médiéval, traite dans ses collections des mêmes périodes : la fin de l’Antiquité gallo-romaine et le Moyen Âge. Il couvre donc plus de 1000 ans d’histoire, du 2e siècle avant Jésus-Christ au début du 16e siècle.
Un musée est un lieu de conservation et d’exposition de collections. Les pièces qui sont présentées sont donc des originaux qui, bien souvent, n’existent qu’en un seul exemplaire.
Bien sûr, le musée conserve des pièces qui ont parfois été réalisées en plusieurs exemplaires, comme les livres d’heure imprimés ou la châsse de saint Thomas Becket, dont on recense plusieurs dizaines d’exemplaires plus ou moins proches.
Mais chacune reste une œuvre originale. Ce ne sont pas des copies modernes ni des reproductions.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nos visiteurs sont invités à respecter certaines règles. Ne pas toucher les œuvres, ne pas circuler avec des objets encombrants qui sont autant de risques de détérioration, ne pas utiliser de stylos à encre dans les salles… Avant votre visite, vous pouvez consulter notre règlement intérieur.
Et si vous êtes curieux de comprendre ce qu’est un musée, la définition établie par l’Icom vous apportera toutes les réponses.
Un musée expose des traces matérielles qui ont survécu au temps qui passe…
C’est au 19e siècle que les œuvres d’art et les objets du passé prennent la valeur de témoignages précieux, constitutifs d’un patrimoine commun à préserver. Avant cela, même si certains collectionneurs constituaient des "cabinets de curiosité", il n’existait pas de souci de conservation à l’échelle collective. Les traces de la culture, notamment populaire, n’étaient pas conservées à la fois par manque d’intérêt et en raison du choix de matériaux bon marché mais périssables.
C’est pourquoi nos collections témoignent surtout de contextes de création princiers, voire royaux, ou religieux, où les logiques de conservation étaient plus présentes. Mais même dans ce contexte, les œuvres les plus précieuses pouvaient être utilisées comme une réserve monétaire. L’orfèvrerie était ainsi parfois fondue en cas de difficultés financières pour en extraire les métaux précieux.
Et faute d’une volonté ancienne de préservation, vous aurez parfois quelques surprises en parcourant nos collections, comme ce bas, isolé de sa paire qui a disparu.
Un musée n’a pas vocation à présenter toutes les œuvres ou tous les objets sur une période ou un style donné.
Contrairement au musée du Louvre ou à la Bibliothèque nationale de France, le musée de Cluny n’est pas l’héritier des collections des rois de France. Il est né de la réunion de deux fonds, le dépôt archéologique de la ville de Paris et la collection d’art d’Alexandre Du Sommerard, acquise par l’Etat en 1843. Les collections du musée sont donc les héritières de ces deux origines.
Ainsi, au 19e siècle, le collectionneur Alexandre Du Sommerard a rassemblé de nombreuses pièces d’art décoratif de différentes époques. Aujourd’hui, celles qui datent de la période médiévale sont toujours au musée. D’autres ont été affectées au château d’Écouen pour constituer le musée national de la Renaissance ou ont été mises en dépôt dans d’autres musées.
Depuis sa création, le musée de Cluny continue à s’enrichir, grâce à des dons, des achats, etc. Mais chaque nouvelle acquisition est le fruit d’un choix délibéré des conservateurs du musée. Le processus d’acquisition constitue donc une première sélection.
Depuis ses origines, le musée a enregistré dans son inventaire plus de 24 000 pièces. Toutes ne sont pas exposées !
Certaines ont été écartées du parcours de visite car elles ne sont pas médiévales. Une partie des collections, comme on l’a dit, a été envoyée à Écouen pour former le noyau du Musée national de la Renaissance, d’autres pièces sont aujourd’hui présentées au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, ou au musée de la chaussure à Romans-sur-Isère par exemple.
Après la phase de sélection au moment de l’acquisition des pièces, d’autres choix conduisent à présenter ou non un objet : cohérence avec le parcours des collections, complémentarité ou non avec des œuvres déjà exposées. Une pièce trop abîmée, qui a subi trop de modifications au fil du temps ou qui n’illustre pas le propos porté par le musée pourra être laissée en réserve ou envoyée en dépôt dans une autre institution patrimoniale.
Une pièce laissée en réserve n'est pas montrée aux visiteurs. Mais cela ne signifie pas pour aurant qu'elle sort des collections du musée. C’est d'ailleurs interdit par la loi française. C’est ce qu’on appelle le principe d’inaliénabilité : une pièce entrée dans les collections d’un musée ne peut pas en ressortir. Elle ne peut pas être donnée, vendue ou cédée de quelque façon que ce soit, sauf sous l’effet d’une loi votée au Parlement ou d’une procédure de déclassement avalisée par le Haut conseil des musées de France.
Ce principe permet de garantir une permanence des collections publiques, en les préservant des intérêts particuliers, ou des modes et des évolutions du goût et des connaissances. Ainsi, une œuvre oubliée, mal documentée ou mal datée, peut, à l’occasion d’une restauration par exemple, révéler tout son intérêt.
Une fois dépoussiérées et restaurées, plusieurs œuvres ont ainsi rejoint notre nouveau parcours de visite.
C’est le cas de plusieurs éléments en albâtre d’un retable anglais (Cl. 2596, 2597, 2600), présentés en salle 12 ou encore du retable de Saint-Germer-de-Fly (Cl. 18749).
Et le musée présente des objets authentiques.
Tout le monde a entendu parler des ceintures de chasteté et le musée en conserve même une (Cl.7650)… Mais elle date du 19e siècle ! Il n’existe pas de ceinture de chasteté à la période médiévale, c’est une invention totale de ceux qui, au 19e siècle, se mettent à rêver un Moyen Âge de roman. Mais depuis qu’historiens et experts ont mis au jour la duperie, elle n’est plus exposée !
Le musée de Cluny présente des collections qui couvrent plus de 1000 ans d’histoire, depuis l’Antiquité gallo-romaine jusqu’aux débuts de la Renaissance. Les pièces exposées sont pour certaines issues de fouilles archéologiques et évoquent le quotidien. Mais pour une large part, il s’agit d’œuvres d’art.
Le musée se définit donc avant tout comme un musée d’art plutôt qu’un musée d’histoire. La notion d’œuvre y est importante. En conséquence, le parcours chronologique reflète l’évolution des formes et des styles, même si des détours vers certains événements historiques majeurs de la période sont possibles au gré de votre visite.
Fondé dans les années 1840, le musée de Cluny a une histoire singulière. Il tire ses origines de deux collections : la collection d’objets d’art d’Alexandre Du Sommerard, passionné d’ "antiques", c’est-à-dire d’art ancien (mais il avait également acheté des œuvres des 17e et des 18e siècles) ; et le dépôt lapidaire de la Ville de Paris. Ce dépôt, installé dans le frigidarium, accueillait les vestiges d’édifices parisiens disparus ou des éléments architecturaux provenant de monuments transformés. C’est ainsi que l’épitaphe de Nicolas Flamel entre dans les collections du musée dès sa création.
À ses débuts, le musée est placé sous l’autorité de la toute jeune Commission Supérieure des Monuments Historiques, qui est chargée de recenser et de classer les monuments jugés dignes d’un intérêt historique ou artistique. À l’occasion de découvertes archéologiques ou de restauration, le musée est naturellement choisi pour conserver des éléments provenant des monuments parisiens. C’est le cas de certains vitraux de la Sainte-Chapelle, jugés trop fragiles pour être laissés sur place. Le musée apparaît alors comme une solution de préservation, également pour la cathédrale Notre-Dame de Paris, restaurée par Viollet-le-Duc.
Cette tradition perdure jusque dans les années 1970, quand entrent dans les collections les 28 têtes monumentales provenant la galerie des rois de Juda de la cathédrale Notre-Dame. Portées disparues pendant la Révolution, ces sculptures sont retrouvées par hasard lors de travaux dans un hôtel particulier du IXe arrondissement et données à l’État pour être présentées au musée.
Le musée de Cluny ne prétend pas à l’universalité. Sa vocation de musée d’art, la façon dont les collections se sont constituées et l’importante proportion de la production artistique médiévale qui a aujourd’hui disparu…
Tout cela contribue à faire du musée national du Moyen Âge ce qu’il est aujourd’hui : un lieu majeur de compréhension du Moyen Âge occidental.