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Sacré Moyen Âge !

Le Moyen Âge est une époque aussi fascinante que méconnue. La littérature, le cinéma et les séries télévisées notamment ont contribué depuis quelques décennies à diffuser les clichés et idées reçues qui l’accompagnent dans l’inconscient populaire. Et si le temps était venu de remettre les pendules à l’heure ?

Ce dossier a été réalisé en collaboration avec l'équipe de chercheurs d'Actuel Moyen Âge. Si vous ne les connaissez pas encore, rendez-vous sur leur site pour en savoir plus sur la vie médiévale.

La loi du plus fort....

Les paysans croulent sous les impôts 

Plutôt faux

La situation varie beaucoup selon les époques et les régions. La fiscalité peut être très lourde (s'élevant à 40, voire 60 % d'une récolte notamment en période de guerre), ou beaucoup plus légère.
Pendant une grande partie de la période médiévale, le principal impôt régulier est la dîme (Mesure pour la dîme, Cl. 2574). Prélevé sur une partie des récoltes par le clergé ou la noblesse, il pèse sur les paysans. Mais il peut aussi être redistribué pour porter assistance aux plus pauvres.

En plus de cet impôt ordinaire, des impôts extraordinaires sont mis en place. On observe ce phénomène en France en particulier à partir du 14e siècle, sous le double effet de la guerre de Cent ans (1337-1453), qui coûte très cher, et du renforcement de l’administration.
Le roi, qui lève ces impôts exceptionnels ou extraordinaires, doit obtenir le consentement de représentants de l’ensemble du royaume, les délégués des états généraux. Et cette taxe s’applique alors à toutes les catégories de la population.
Au 15e siècle, cet impôt extraordinaire est levé sans l’accord des états généraux, c’est l’origine de l’imposition régulière sur le revenu.

Les femmes n'ont aucune place dans la société

Plutôt faux

Le Moyen Âge a connu de grandes figures féminines, comme Aliénor d’Aquitaine, Blanche de Castille, sainte Catherine de Sienne ou Jeanne d’Arc.
En-dehors de ces figures exceptionnelles, les sources médiévales ne laissent que peu de place aux femmes. Leur rôle dans la société est pour autant bien réel. Dans les champs comme en ville, elles travaillent auprès de leur mari. Elles représentent un revenu ou une main d’œuvre complémentaire.

Sacré Moyen Âge 1

L’histoire nous transmet également la trace de femmes artisans et même de veuves qui dirigent l’atelier familial, après la mort de leur mari. Une situation que l’on retrouve notamment dans la corporation des brodeurs, comme notre exposition "L’art en broderie au Moyen Âge" en faisait état.
Dans certaines régions, elles peuvent même avoir des biens. En Picardie, les femmes mariées sont propriétaires de la moitié des biens du couple.
Pour en savoir plus sur le travail des femmes au Moyen Âge, retrouvez l'article "Mais qui va garder les enfants ?" sur le site du collectif de chercheurs "Actuel Moyen Âge".

Tout le monde meurt à 30 ans

Faux

Dans la population paysanne, qui constitue l’immense majorité de la population au Moyen Âge, l’espérance de vie ne dépasse guère les 30 ans. Pour autant, cela ne signifie pas que tout le monde meurt à cet âge !
L’espérance de vie n’est qu’une moyenne. Et la surmortalité des nourrissons et des jeunes enfants à l’époque médiévale pèse fortement dans cette moyenne. Une fois ces premières et périlleuses années surmontées, l’espérance de vie d’un individu augmente donc considérablement. La vieillesse apparaît même comme un état naturel, l’un des âges de la vie, d’après les auteurs médiévaux qui la font débuter tantôt à partir de 50 ans tantôt à partir de 60. 

Pour autant, la vieillesse est souvent vue d’un mauvais œil à l’époque médiévale. Elle est synonyme de privations et d’affaiblissement pour ceux qui la subissent. Et, pour permettre aux héritiers de jouer leur rôle, il est souvent préférable de se retirer du monde, par exemple dans un monastère ou une abbaye.

Le collectif Actuel Moyen Âge a consacré un article à cette question de la vieillesse, à découvrir ici.

 

Une société chevaleresque

Une société ultra-violente 

Faux

Le Moyen Âge, ce monde barbare où les guerres se succèdent et où s’entretuer constitue un divertissement… Des scènes de tournois dans Game of Thrones aux aventures des chevaliers de Sacré Graal, la culture populaire se nourrit d’une vision ultra-violente du Moyen Âge.

Sacré Moyen Âge 4

Pourtant, dès la fin du 10e siècle, la guerre se fait selon des règles bien précises. Protéger les combattants, poser les armes durant la "trêve de Dieu" à certaines périodes de l’année, ne pas abattre les prisonniers… Tel est le cadre moral que doivent respecter les chevaliers (Jacques de Fleckenstein en donateur, Cl. 1924).
Quant aux combats courtois, joutes, tournois, ils relèvent plus du sport que de la guerre. Ces jeux, très nombreux entre les 10e et 13e siècles, entraînent les jeunes hommes à surmonter les épreuves et à se maîtriser. Ils sont une part de l’enseignement au même titre que les traités de combat qui apprennent le maniement des armes. En ville comme à la campagne, les combats entre aristocrates font souvent des victimes collatérales, parmi les plus humbles. Mais il s’agit de combats de faible intensité, impliquant souvent quelques dizaines de combattants seulement.

Les pillages de villes et villages pendant la guerre de Cent ans sont malgré tout là pour nous rappeler que, hier comme aujourd’hui, la guerre s’accompagne trop souvent d’atrocités incontrôlées. Et, si la société médiévale peut être violente, à la taverne ou dans les relations familiales, elle ne l’est pas nécessairement plus qu’à d’autres périodes de l’histoire ou en d’autres lieux. L'exposition "Furûsiyya" présentée au Louvre Abu Dhabi en 2020 montre ainsi les nombreux points communs entre les cultures chevaleresques orientale et occidentale.

Les chevaliers sont si lourdement équipés qu’ils ne peuvent pas bouger

Faux

L’armure d’un chevalier pèse environ 23 kg. Cela ne l’empêche ni de courir, ni de monter à cheval : c’est à peu près le poids d’un équipement de pompier (Saint Georges terrassant le dragon, Cl. 1956).
Quant à son épée, elle n’est pas plus lourde qu’une bouteille d’eau : moins de 1,3 kg.

Inutile d’imaginer les chevaliers se battre au corps à corps pendant des heures. Un combat à l’épée dure moins longtemps qu’un round de boxe de 3 mn. 

 

Une société figée

L'ascenseur social n'existe pas

Plutôt faux

La société féodale est organisée en catégories sociales bien distinctes : le clergé, la noblesse, la paysannerie et la bourgeoisie. L’idéal médiéval est celui d’une société où le rôle de chacun dépend uniquement de son statut, un statut héréditaire.

Pourtant, derrière la théorie, l’histoire nous transmet le cas de familles qui ont connu une forte ascension sociale. C’est le cas de la famille Jouvenel des Ursins. Issu d’une famille de drapiers troyens, Jean Jouvenel mène au début du 15e siècle une carrière brillante comme juriste, puis prévôt des marchands de Paris. Sa fortune établie, il s’attache à trouver pour ses fils des carrières prometteuses et de renforcer son réseau d’alliances grâce à de bons mariages. Le collectif Actuel Moyen Âge a consacré à cette famille un  article à redécouvrir ici

Les armoiries sont le symbole par excellence de la féodalité

Faux

Les sans-culottes ont fait des armoiries une cible privilégiée pendant la Révolution française. Pourtant, elles n’étaient pas réservées aux nobles ! Chacun était libre d’en avoir, y compris les villes (targe Saint Georges combattant le dragon, Cl. 1956), les universités ou les riches marchands.

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Mais gare à bien les choisir ! Les armoiries des rois d’Angleterre figurent ainsi des léopards, animaux bâtards nés de l’union d’une lionne et d’un pard, mâle de la panthère. Le léopard jouissant d’une très mauvaise réputation, les partisans de la Couronne d’Angleterre ont pris l’habitude, à partir de la guerre de Cent ans, de les désigner comme des « lions passant ».

 

Des hommes sales et incultes

Dans les 1ers siècles du Moyen Âge, personne ne savait écrire

Faux

N’imaginons pas un monde antique, de culture écrite, qui s’effondrerait du jour au lendemain à l’arrivée du Moyen Âge. Les rois "barbares" qui prennent le pouvoir lorsque disparaît l’empire romain d’Occident (476) s’entourent des mêmes élites de culture latine pour administrer villes et territoires. Eux-mêmes avaient parfois été formés par les Romains à l’exercice du pouvoir.

Et si l’écrit n’est pas très répandu au début du Moyen Âge, les actes rédigés – chartes, diplômes… - n’en ont que plus de poids. Ces documents sont essentiels et les rois par exemple ne manquent pas de les faire authentifier par des sceaux.
À l’époque mérovingienne, il n’est pas rare que les princes glissent dans ces sceaux des mèches de leurs cheveux. Pourquoi ? Découvrez des éléments de réponse dans l’article qu’Actuel Moyen Âge avait consacré à notre exposition "Les temps mérovingiens".

À la cour de Charlemagne, le souverain et ses aristocrates se livrent à des concours pendant lesquels ils lisent des poèmes latins de leur composition, qui imitent par leur forme ou leurs thèmes les plus grandes œuvres antiques. Lors de ces occasions, chacun prend d’ailleurs pour surnom le nom d’un grand auteur latin.

Le Moyen Âge a oublié l’Antiquité

Faux

Au Moyen Âge, les monuments antiques sont encore présents un peu partout sur le territoire, en bien plus grand nombre qu’aujourd’hui. En ville, ils sont absorbés par le tissu urbain et bien souvent réutilisés par manque de place (Thermes de Cluny).

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Contrairement à une idée reçue, les artistes médiévaux ne méconnaissent pas l’art antique et savent réutiliser les canons esthétiques de l’Antiquité (Adam, Cl. 11657). De même, les "neuf preux", modèles de comportement proposés aux aristocrates, sont constitués de trois personnages bibliques, trois rois médiévaux, ainsi que d’Hector, Alexandre et César.
À partir des 12e -13e siècles, les spécialistes de la loi redécouvrent les lois romaines et les universitaires certains pans de la philosophie antique. En contribuant au renouveau et au triomphe du droit romain au sein de la société, ainsi qu’à un nouveau rapport au monde, ils transforment en profondeur le quotidien médiéval comme la connaissance de l’Antiquité.

Les origines du christianisme se mêlent étroitement à l’histoire antique (Auguste et la Sybille, Cl. 1458), dont on connaît au Moyen Âge les principales dates, la pensée et la mythologie.

Les hommes sont sales

Faux

Le Moyen Âge a laissé de nombreux objets témoignant du souci des hommes et des femmes de l’époque d’embellir leur corps et d’en prendre soin. Aller au bain public est une pratique courante et appréciée. Les familles les plus aisées disposent même chez elles d’étuves. L’iconographie regorge de femmes au bain, principalement pour la fin du Moyen Âge (La vie seigneuriale, Cl. 2180). Les objets de toilette ou de parure sont très variés, tant dans leurs matériaux que dans leur fonction.

De même, il est de bon goût de permettre à ses invités de se laver les mains en arrivant à l'aide d'aquamaniles. Ils peuvent ainsi manger avec leurs doigts, même si des couverts sont également utilisés.

Le soin du corps s'étend à de nombreux domaines : au Moyen Âge, on lave ses vêtements, on se maquille et... on s'épile ! Pour en savoir plus, allez voir cet article d'Actuel Moyen Âge.

 

Des femmes et des licornes !

L’amour courtois est toujours chaste

Faux

Contrairement à une idée reçue, l’amour décrit dans les romans courtois du 12e siècle ne reste pas platonique ! Ainsi, Guenièvre finit par céder aux avances de Lancelot. Cela fait même partie des nombreux codes qui encadrent ce genre littéraire (Assaut du château d’amour, Cl. 23840).

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La femme, belle et d’un rang social supérieur, fait figure d’idéal pour les jeunes nobles de cette époque. Mais elle est aussi mariée, et même femme du suzerain. Elle constitue une sorte de tentation et la fin tragique de ces amours sonne comme un rappel des règles du jeu social et du danger à les outrepasser.
Notons au passage que les romans courtois, écrits du point de vue des hommes, ne font que peu de cas des désirs des femmes comme le rappelle cet article d'Actuel Moyen Âge. 

Si ce genre littéraire est prisé de la noblesse, l’Église comme certains philosophes le voient d’un mauvais œil. Lancelot est fort critiqué à cause de sa liaison avec Guenièvre, la femme du roi Arthur. Le couple Tristan et Yseult leur est souvent préféré. S’ils sont aussi adultères, ils ne sont pas fautifs puisque c’est à leur insu qu’ils ont bu un philtre d’amour (Valve de boîte à miroir, Cl. 383).

Les licornes ont vraiment existé

Faux

Avouons-le tout de suite, les licornes sont des animaux fantastiques. Mais au Moyen Âge, on croit dur comme fer à leur existence !

Comment en douter puisque des voyageurs, comme Marco Polo, racontent en avoir rencontré.
Et certains marchands ramènent même du Nord de l’Europe des cornes de licorne ! L’une d’elles, provenant du trésor de l’abbaye de Saint-Denis, est d’ailleurs conservée au musée de Cluny. En réalité, il s’agit d’une dent de narval, mais chut !

Selon la légende, il est difficile cependant d’approcher une licorne… Seule l’odeur d’une jeune fille vierge peut l’attirer. C’est pourquoi la licorne est souvent représentée aux côtés d’une figure féminine comme dans les célèbres tapisseries de la Dame à la licorne.
Pour tout savoir sur les représentations médiévale de la licorne, consultez cet article d’Actuel Moyen Âge, écrit à l’occasion de notre exposition "Magiques licornes".

 

En vidéo : l'origine et l'évolution du mot Moyen Âge

 

 

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