Bien qu’émoussé par l’érosion, ce chapiteau laisse entrevoir une sculpture de grande qualité. Il pourrait appartenir à un cycle dédié à saint Pierre, un thème peu fréquent mais qui pourrait rattacher cette œuvre à un ensemble clunisien.
La composition de ce chapiteau est très proche de celle d’une autre sculpture, le Don des clefs à saint Pierre, entré en même temps dans les collections du musée.
L'axe central est marqué par une grande acanthe de part et d'autre de laquelle se déploient les acteurs de la scène. À gauche se tient l'ange libérateur, nimbé, les mains tendues en avant et les ailes relevées horizontalement, parallèles à la saillie de l'échine. À droite, saint Pierre nimbé est assis dans sa prison. Derrière lui, deux gardes revêtus d'une cotte de mailles et d'un casque, ou d'un haubert, semblent assoupis.
Le chapiteau n’est sculpté que sur deux faces, ce qui laisse à penser qu’il était présenté dans l'ébrasement d'un portail. La parenté iconographique avec celui du Don des clefs, les échos formels qui résonnent de l'un à l'autre, mais aussi une série de caractères techniques communs invitent à y voir deux pendants au sein d'un même portail ; ou encore à les inclure dans un cycle dédié à saint Pierre comprenant quatre ou six chapiteaux au sein d'un portail plus profond.
L’iconographie, peu répandue, est centrée sur la figure de saint Pierre, présenté comme pierre angulaire de l'Église. Elle s'inscrit dans une mouvance grégorienne, et plus spécifiquement clunisienne, qui exalte la dimension apostolique du saint patron de l'ordre de Cluny comme son lien avec Rome et la Papauté. Il est ainsi possible d'envisager que les deux chapiteaux appartiennent au portail d'un prieuré clunisien.
La scène de la Délivrance présente peut-être un lien avec la relique des clefs de la prison conservée à Cluny, et célébrée le 1er août lors de la fête de la Saint-Pierre-aux-Liens (Sancti Petri ad Vincula) ; même si le style des figures comme des acanthes empêche de voir un lien avec la Bourgogne, épicentre du monde clunisien.
Don Christian Giacomotto
